Pour un pacte de solidarité et de responsabilité entre l’État et l’entreprise

Mr. Radhi Meddeb PDG COMETE Engineering

Huit ans après la Révolution, la Tunisie reste confrontée à une insuffisante création d’emplois. Le niveau du chômage est désespérément élevé. Les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur sont dans le désarroi. L’État a épuisé les ressources disponibles. Il s’est, dans le même temps, épuisé à éteindre les feux du mécontentement social, sans pour autant trouver la voie d’une relance suffisamment forte pour mobiliser les jeunes, les régions, leur redonner de l’espoir et générer l’inclusion.

L’état des finances publiques, le niveau d’endettement de l’État, le poids de la masse salariale publique ne laissent guère de marge de manœuvre. Ils ne permettent plus d’espérer que l’investissement public impulse le mouvement et donne le la.

Dans ce contexte contraint, seule l’entreprise privée est en mesure d’apporter des solutions viables aux multiples problématiques soulevées plus haut et à bien d’autres encore.

Depuis 2011, l’entreprise privée est, d’ailleurs, la seule partie prenante de l’environnement national à être restée focalisée sur sa fonction essentielle, celle de créer de la richesse. Elle l’a fait malgré toutes les difficultés, faisant fi de toutes les adversités. Elle l’a fait en continuant à investir, à prendre des risques, à produire, à exporter, à faire rentrer des devises, à payer ses impôts et ses cotisations sociales.

L’État, dans sa quête effrénée de paix sociale, a souvent choisi la facilité, celle de dépenser plus pour répondre aux appétits insatiables des revendications sociales, aux besoins croissants d’une caisse de compensation dont les dérapages échappent aux contrôles de tous, aux déficits abyssaux des caisses de prévoyance sociale et de retraites et aux besoins financiers sans limite d’un secteur public livré à lui-même.

Pour faire face à ces besoins financiers, sans rapport avec les possibilités du budget public, l’État n’a eu d’autre choix que d’alourdir la fiscalité frappant l’entreprise organisée et transparente et de recourir de manière massive à l’endettement intérieur, mais surtout extérieur.

De la même manière qu’elle s’est acquittée de ses multiples devoirs sans rechigner durant toutes les dernières années, l’entreprise privée est, plus que jamais, décidée  à continuer à assumer ses responsabilités.

Aujourd’hui, l’entreprise est éreintée par un environnement des affaires de plus en plus contraignant, des réglementations changeantes, instables et de plus en plus étouffantes, une adminisrration affaiblie, une corruption rampante, une inflation forte et un dinar faible, un climat social chahuté et un environnement géopolitique défavorable. Le moral des entrepreneurs s’érode. De multiples sondages d’opinion de chefs d’entreprises indiquent que la résilience de leurs affaires atteint sa limite et que faute d’un sursaut au niveau des politiques publiques, l’entreprise tunisienne risque de faire face à de grandes difficultés à l’horizon 2020.

Or, un sursaut est possible. Il est nécessaire. Il est même inéluctable. L’entreprise privée organisée et transparente est, à l’image du soldat républicain, toujours prête à partir au combat.

Aujourd’hui, elle propose à l’État un Pacte de Solidarité et de Responsabilité en mesure de provoquer un choc positif qui restaure la confiance, libère les énergies et relance rapidement la croissance et l’inclusion.

Ce Pacte pourrait s’articuler autour de dix axes:

  • définir et mettre en œuvre des stratégies nationales sectorielles pour un repositionnement compétitif de nos entreprises dans les principaux secteurs industriels où la Tunisie a développé par le passé des avantages compétitifs reconnus,
  • mettre en place une ligne de restructuration financière destinée à apporter des fonds propres et de la dette à long terme aux entreprises viables, souffrant d’un déséquilibre structurel de leur bilan,
  • réinstaurer le dégrèvement fiscal en faveur de l’investissement productif. Cet outil puissant a, de tout temps, constitué la principale motivation de l’investissement dans la petite et moyenne entreprise,
  • libérer le change pour toutes les opérations courantes des entreprises. La rareté des devises et la faiblesse des réserves de change ne doivent, en aucun cas, nous faire revenir à des pratiques éculées de restrictions et de contrôles apriori,
  • revoir la fiscalité sur les entreprises et sur l’épargne, significativement à la baisse, tout en élargissant l’assiette fiscale et en luttant sans merci contre toutes les formes de fraude fiscale,
  • ouvrir le champ aux PPP, sur la base des meilleures pratiques internationales et d’une juste répartition des risques entre la puissance publique et l’investisseur privé. Ce serait là une modalité puissante de répondre à des besoins non satisfaits en matière d’infrastructures tout en impulsant l’investissement privé national et extérieur,
  • maîtriser l’inflation et mettre fin à la dégringolade du dinar, deux facteurs qui rognent la compétitivité des entreprises, érodent le pouvoir d’achat des populations et appauvrissent le pays et l’ensemble de ses parties prenantes,
  • lancer un grand programme national de digitalisation de la société, de l’économie et de l’administration,
  • lancer un programme national pour la promotion de l’innovation, l’internationalisation de l’entreprise et la promotion de l’entrepreneuriat dans les secteurs à forte valeur ajoutée,
  • s’engager dans une lutte sans merci contre la contrebande, la fraude fiscale et toutes les formes de déviance économique.

Par un tel pacte, l’entreprise pourrait être investie dans une nouvelle relation de solidarite et de responsabilité vis-à-vis de l’État et plus généralement vis-à-vis de la collectivité nationale.

Il y va de l’intérêt bien compris de toutes les parties.

Mr. Radhi MEDDEB
Membre du Comité Directeur de la CTNCI