Covid-19 / Employeurs : Comment gérer concrètement vos contrats de travail ?

Suite à la parution d’un ensemble de textes juridiques et de Décrets – lois, L’Equipe El Ajeri Lawyers – EAL souhaite partager avec vous une réflexion sur la gestion des contrats de travail dans le contexte économique et sanitaire actuel, permettant aux employeurs une meilleure compréhension du cadre juridique actuel, et ainsi prendre les décisions les plus adéquates dans le but de sauver les entreprises et de préserver les emplois.

La situation inédite provoquée par la Covid en Tunisie est en train d’installer une éprouvante angoisse pour les employeurs et les employés que les pouvoirs publics ont contribué à alimenter en perpétuant l’irresponsabilité, l’incompétence et la nonchalance coupables qui exposent des centaines milliers d’employés à se retrouver sur le carreau et les centaines de milliers d’entreprises à mettre les clés sous la porte.
Voulant clarifier l’imbroglio généré par les divers communications, accords, et les textes juridiques parus le 15 avril 2020 au journal officiel et sortir de cette confusion avec des idées claires et surtout des recommandations pratiques, nous avons voulu partager avec vous cette note qui se veut pratique alliant à la fois la dimension du management avec l’application du droit.

 

I- EN TANT QU’EMPLOYEURS, COMMENT GÉRER AU MIEUX LES CONTRATS DE TRAVAIL DANS CETTE SITUATION ?

La réponse ne peut être uniforme car elle dépend de la situation financière de chaque Employeur (disponibilité des liquidités, des revenus attendus, du recouvrement en vue), de la situation économique (est ce que l’activité est complètement à l’arrêt ou est ce qu’il y a une activité partielle, ou est-ce que le carnet de commandes est rempli pour les mois à venir ou pas?), des valeurs, de la vision. Le tout est que la gestion de cette situation soit tout d’abord une gestion globale, par le haut et prenne-en considération la cohérence et l’alignement de tous ces paramètres. Au-delà de l’impératif de préserver économiquement la pérennité de l’entreprise, la gestion de cette situation peut constituer un référentiel extrêmement positif dans l’histoire de l’entreprise par la volonté de donner du sens à vos décisions et la fondation des valeurs tels que le don, la compréhension et un esprit de solidarité… Ne perdez pas cela en vue et ayez une grande vision.
Ensuite, une fois que la cohérence et l’alignement sont atteints dans le cadre d’une grande vision globale et que les paramètres vitaux de l’entreprise sont vérifiés, il importe de comprendre quels sont les droits et les obligations juridiques des Employeurs dans une telle situation et savoir quels sont les outils juridiques dont ils pourraient disposer pour y faire face ?

1- Les droits des employeurs : L’invocation de la force majeure ne peut plus mettre fin au contrat de travail pendant la période du confinement, elle pourra l’être seulement pour suspendre le contrat de travail:

Face à une telle situation qui manifestement peut être qualifiée d’une force majeure (tout fait imprévisible, irrésistible et indépendant de la volonté des parties à un contrat) les employeurs disposaient juridiquement avant la publication du Décret-loi du Chef du Gouvernement n° 2020 du 14 avril 2020 de deux solutions, celle de (i) l’invocation de la notion de la force majeure que ce soit pour suspendre les effets du contrat de travail jusqu’à la disparition de la cause de la force majeure ou pour mettre un terme définitivement au contrat de travail en cours et (ii) celle de la présentation d’une demande de chômage technique ou économique.

II- LES MESURES EXCEPTIONNELLES PRISES PAR L’ÉTAT DANS LE CADRE DE LA GESTION DE L’EMPLOI

Dans le cadre de l’accompagnement de certaines catégories de travailleurs indépendants lésés par la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total pour la prévention de la propagation du Coronavirus «Covid-19», des mesures sociales exceptionnelles et provisoires ont été adoptées.
C’est ainsi que les décrets-lois 2020-2 du 14 avril 2020, portant suspension exceptionnelle et provisoire de certaines dispositions du Code du travail, le décret-Loi n° 2020-4 du 14 avril 2020, édictant des mesures sociales exceptionnelles et provisoires pour l’accompagnement des entreprises et la protection de leurs salariés lésés par les répercussions de la mise en oeuvre des mesures de mise en confinement total pour la prévention de la propagation du Coronavirus (Covid-19) et le Décret n° 2020-164 du 14 avril 2020, déterminant les modalités, les procédures et les conditions de son application ont été adoptés.

Dans le cadre de l’accompagnement de certaines catégories de travailleurs indépendants lésés par la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total pour la prévention de la propagation du Coronavirus «Covid-19», des mesures sociales exceptionnelles et provisoires ont été adoptées.
C’est ainsi que les décrets-lois 2020-2 du 14 avril 2020, portant suspension exceptionnelle et provisoire de certaines dispositions du Code du travail, le décret-Loi n° 2020-4 du 14 avril 2020, édictant des mesures sociales exceptionnelles et provisoires pour l’accompagnement des entreprises et la protection de leurs salariés lésés par les répercussions de la mise en oeuvre des mesures de mise en confinement total pour la prévention de la propagation du Coronavirus (Covid-19) et le Décret n° 2020-164 du 14 avril 2020, déterminant les modalités, les procédures et les conditions de son application ont été adoptés.

1- Les Entreprises concernées par les mesures prévues par le décret n°2020- 4 :

Il s’agit des entreprises lésées par les répercussions de la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total pour la prévention de la propagation du Coronavirus Covid-19, lesquelles sont définies comme étant les entreprises affiliées à la Caisse Nationale de sécurité sociale dont l’activité est provisoirement et partiellement ou totalement interrompue à cause de la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total.

2-Les droits octroyés dans le cadre du décret n°2020-4 :
A- Le droit à une indemnité exceptionnelle et provisoire :

Il s’agit d’une indemnité mensuelle et provisoire de 200 dinars allouée aux salariés permanents ou liés par des CDD en cours à la date d’entrée en vigueur du présent décret-loi. Il est à noter que le montant de l’indemnité attribuée et celui de la partie du salaire versée par l’employeur pendant la période d’interruption de l’activité ne doivent pas excéder le montant du salaire déclaré auprès de la CNSS au titre du quatrième trimestre 2019 ou du premier trimestre 2020.

3- Le maintien d’autres droits pour les salariés :

Tous les salariés ayant été mis partiellement ou totalement en chômage provisoire et bénéficiant de l’indemnité ci-dessus mentionnée, continuent à avoir droit aux prestations de soins au sein des établissements publiques de santé durant la période d’interruption de l’activité(7) .
Ces salariés continuent aussi à bénéficier des allocations familiales et de la majoration pour salaire unique durant toute la durée d’interruption provisoire de l’activité, et ce, conformément aux conditions et procédures fixées par la législation et la réglementation en vigueur.

4- Le droit au report des charges sociales pour les entreprises lésées :

Les entreprises directement ou indirectement lésées par la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total, soit les mêmes entreprises pouvant bénéficier de cette mesure exceptionnelle et objets du décret 2020-4, peuvent bénéficier du report de paiement des cotisations à la charge des employeurs dans le régime légal de sécurité sociale au titre du deuxième trimestre de l’année 2020, et ce, pour trois mois sans appliquer de pénalités de retard au titre dudit report(8).

III- LE RECOURS A LA NÉGOCIATION DIRECTE :

L’option de la négociation directe consiste en le fait de trouver directement toutes les solutions possibles et imaginables avec les employés dans un cadre de compréhension mutuelle, d’entraide et de solidarité absolue pour sauver l’entreprise et les emplois.
La seule recommandation est de convenir sur des solutions (i) qui ne portent pas atteinte à l’ordre public et (ii) qui seront documentées par des écrits signés et légalisés par les deux parties (employeur et employé).
Ces solutions doivent tout d’abord passer par la liquidation des congés de l’année 2019 et/ou de 2020 et le réaménagement des heures de travail perdues courant les 6 mois qui suivront la fin du confinement et la reprise effective du travail. En dehors de ces deux solutions qui sont imposées par le Gouvernement, les autres solutions peuvent être d’une créativité absolue allant de la réduction des horaires de travail en gardant un pourcentage de la rémunération, la cessation des activités temporaires en gardant un pourcentage de la rémunération, réaménagement des primes, des bonus,des avantages en nature etc. Cela suggère l’analyse de tous ces éléments et leurs impacts financiers et l’établissement d’hypothèses et d’options de travail avant d’entamer les négociations.
Ces solutions doivent prendre en compte le fait que l’épisode actuel va générer suivant les analystes économiques dans les mois à venir «la pire des récessions» (lire le journal français «les échos» du 15 avril 2020) d’où la nécessité de saisir cette opportunité et conclure des accords avec les employés qui ne seront pas juste applicables pendant la période du confinement mais prévoir des accords écrits qui s’appliqueront jusqu’à la reprise effective de l’activité telle qu’elle l’était avant le confinement Aussi l’avantage de cette solution consiste en le fait qu’elle puisse être cousue sur mesure en prenant en considération la spécificité et les impératifs posés par chaque activité et chaque entreprise, très rapide et très souple à mettre en œuvre tant elle ne nécessite que l’accord de l’employeur et de l’employé et flexible tant elle pourra s’adapter facilement et rapidement aux développements d’une situation qui évolue d’heure en heure.
Elle peut être finalement un moyen et un moment fondateur pour construire un esprit, un engagement et un pari garantissant l’avenir des entreprises, des emplois et celui de l’économie Tunisienne en attendant de militer pour la création d’une assurance chômage qui conférera une stabilité pour les entreprises et garantira la dignité des salariés.

Maître Lotfi El Ajeri – Managing Partner
mlelajeri@eal.tn
Maître Hend Turki – Avocat Junior
hturki@eal.tn