Les questions évitées de la Réforme Fiscale Tunisienne

Pendant les discussions des Assises de la Réforme Fiscale tunisienne, plusieurs questions ont été soulevées par les participants au sujet d’un bon nombre de préoccupations et d’aspects préjudiciables de la législation fiscale ainsi que des pratiques administratives en matière de contrôle et de recouvrement de l’impôt.

Les participants espéraient ajouter au projet élaboré par l’Administration, des aménagements en profondeur afin de réconcilier le système fiscal tunisien avec les principes universels du Droit Fiscal et avec la réalité économique de l’entreprise et du pays.

Le fait générateur de l’impôt figurait parmi les sujets évoqués par les participants qui ont souligné un éloignement de la législation, des principes universels du droit fiscal et même de la Jurisprudence fiscale tunisienne. A ce sujet le Ministère des Finances a opposé un refus total de discuter de ces aspects sous prétexte des répercussions importantes quelles peuvent avoir sur les équilibres budgétaires et du manque des moyens en matière de contrôle.

Cet argument n’est pas nouveau et est habituellement soulevé pour s’opposer à toute initiative pouvant mener l’Administration à débattre de la rationalisation de la Législation et des pratiques administratives. Il cache par ailleurs l’absence d’outils modernes de simulations et un problème de fiabilité des données.

La problématique du fait générateur de l’Impôt consiste dans la discordance entre la réalité économique et l’Assiette des impôts et des taxes telles que réglementées par la législation fiscale actuelle.

A titre d’exemple, le fait générateur de la TVA tel que réglementée par l’article 5 du Code de la TVA prévoit que les contribuables assujettis à ladite taxe doivent s’acquitter de la TVA calculée sur leurs chiffres d’affaires même s’ils n’arrivent pas à recouvrir la contrepartie de leurs marchandises vendues TVA comprise. Pire encore s’ils dépassent un délai de six mois, ils peuvent faire l’objet d’une poursuite pénale et une amende qui peut aller jusqu’à 50.000 Dinars : Cette sanction s’applique indépendamment du fait qu’ils ont encaissé ou non la TVA, ayant grevé leurs chiffres d’affaires.

Dans le cas où une entreprise se trouve en difficulté due à des impayés ou à des retards de payements, non seulement, le risque ne se limiterait pas aux complications financières, mais en plus, il s’ajouterait à un risque fiscal à savoir : l’obligation pour elle de s’acquitter de la TVA et du droit de consommation qu’elle n’a pas encore collecté. Dans le cas contraire et en cas de non payement de ces derniers, l’article 92 du Code des droits et des procédures fiscales prévoit même  une sanction pénale à l’encontre du premier responsable.

Cette situation illustre l’éloignement de la Législation fiscale en matière du fait générateur d’impôt, du principe de la réalité de l’impôt et de l’aspect pécuniaire de la TVA qui prévoit l’imposition des revenus réellement réalisés et d’être redevable uniquement des impôts et taxes réellement collectées.

La crainte de cet impact préjudiciable de la législation fiscale en matière de ce fait générateur de l’impôt ne se limite pas uniquement à la TVA et au droit de consommation repris comme exemple; elle concerne aussi l’impôt direct où la doctrine élaborée par l’Administration fiscale oriente le comportement des vérificateurs vers un référentiel doctrinal non conforme à la Loi et permet l’imposition des contribuables au titre de revenus non réalisés et qui relèvent parfois de la fiction des inspecteurs vérificateurs.

L’évitement des questions relatives aux fondements du système fiscal tunisien confère au projet de la réforme un caractère superficiel, ce qui emmène beaucoup d’experts et d’Organisations à lui réserver l’appellation de simple « aménagement» du Système fiscal.

 

Mr Skander Sallemi
Centre de Formation et d’Information Fiscale et Conseil Fiscal
Membre du Comité Directeur de notre Chambre