Miqyes nouveau baromètre élaboré par la CONECT pour mieux cerner le climat des affaires en Tunisie : les éclairages de Tarek Chérif

Tarek Chérif, Président de la CONECT

1- La 3ème édition du baromètre Miqyes que vient d’organiser la CONECT a suscité un intérêt particulier des responsables, des milieux d’affaires et des médias. Quelles sont les raisons ?

Réponse : Je dois tout d’abord rappeler que Miqyes a été lancé en 2017 par la CONECT pour répondre à des attentes et des besoins précis. Les responsables, les milieux d’affaires et les décideurs dont en particulier les chefs d’entreprises ont plus que jamais besoin au cours de cette période décisive de mutations que connait l’économie tunisienne d’outils efficaces et pertinents pour mieux cerner le climat des affaires dans le pays et l’évolution de l’état de santé des entreprises.
La particularité de ce baromètre est qu’il est établi sur la base d’enquêtes scientifiques touchant un échantillon représentatif de plus de 500 entreprises.
L’importance de cette initiative se traduit aussi à travers l’appui de nos partenaires le PNUD, la Norvège et le Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi.
Avec trois éditions successives de Miqyes PME et un focus sud concernant six Gouvernorats, des tendances et des trends significatifs de l’évolution de l’état de santé des entreprises tunisiennes peuvent ainsi être dégagés. C’est ce qui explique l’intérêt croissant manifesté par les responsables et les milieux d’affaires à cet outil.

2- Comment jugez-vous l’évolution des principaux indicateurs de Miqyes?
Il ne s’agit pas en fait de jugement mais de données et de résultats réels et fiables dégagés à partir d’enquêtes scientifiques.
Parmi les résultats qui retiennent l’attention je peux citer ce qui suit :
– 61% des PME tunisiennes travaillent exclusivement pour le marché local. Le potentiel à orienter vers l’exportation est donc important.
– Les exportations tunisiennes sont toujours concentrées sur les pays de l’Union Européenne avec 30% sur la France et 19% sur l’Italie soit la moitié environ de nos exportations sur ces deux pays. L’Algérie en troisième position avec 13,9% et la Libye quatrième avec 9,9%.
– L’Afrique subsaharienne rejoint timidement la liste des marchés principaux avec 2,2% des exportations des PME tunisiennes.
– Malgré la conjoncture difficile 45,7% de nos PME ont enregistré une augmentation de leur chiffre d’affaires contre 27% qui ont connu une baisse de leurs ventes.
– 83% des PME ayant régressé en chiffre d’affaires emploient moins de vingt employés.
– Plus que 35% des PME ont innové ou élargi leur gamme de produits en 2018
– L’insolvabilité des clients devient l’handicap premier des PME tunisienne.
– 28% des PME ont subi des arrêts de la production en 2018
– L’accès au financement des investissements s’est amélioré en 2018
– 27,2% des PME n’ont pas recruté en 2018 pour inadéquation des profils sur le marché du travail
– L’administration fiscale et la douane sont les plus bloquantes aux yeux des dirigeants des PME. La Tunisie a la plus forte pression fiscale parmi les pays d’Afrique.
– Plus de 35% des dirigeants des PME ne sont pas optimistes pour l’avenir de leurs entreprises

3- Ces indicateurs sont fort significatifs et permettent une meilleure visibilité pour les responsables et les chefs d’entreprises. Y a t-il d’autres aspects que vous considérez importants pour la relance de l’économie tunisienne?

Il ya certes d’autres facteurs d’ordre macro-économique qui conditionnent la réussite de cette transition recherchée.
la mise en œuvre des grandes réformes dans les différents domaines économiques, sociaux, financiers et fiscaux doit être accélérée, les dépenses publiques rationalisées et la digitalisation généralisée.
Il faut aussi oser s’attaquer au problème de l’administration tunisienne qui, avec plus
de 800 000 employés, alourdit sensiblement les charges de l’Etat et donc la pression fiscale alors que le pays peut mieux fonctionner avec un nombre sensiblement inférieur tout en trouvant des solutions adéquates pour réaffecter des fonctionnaires vers d’autres activités et assurer leurs droits.
Le marché parallèle constitue également un autre grave problème dont on parle depuis des années sans vraiment apporter des solutions et mettre en œuvre des mesures adéquates pour contrer ce grave fléau qui menace de plus en plus l’économie nationale et les entreprises organisées et structurées.

4- quel est l’avenir de ce baromètre Miqyes à votre avis ?
Comme tout outil d’évaluation et d’analyse Miqyes répond à un besoin permanent et constitue de ce fait un instrument indispensable.

Nous comptons poursuivre avec l’appui de nos partenaires l’édition régulière de Miqyes pour répondre aux attentes des milieux d’affaires. Mieux encore cet outil sera consolidé par le lancement d’autres baromètres ciblés.
C’est dans ce cadre que nous travaillons actuellement avec le PNUD, le Ministère de la Formation et de l’Emploi et tous nos partenaires sur une édition spéciale de Miqyes TPEs que nous lancerons au mois de juillet prochain surtout que le tissu des toutes petites entreprises comptant de 1 à 6 emplois représente plus de 550 000 entreprises dans notre pays et joue un rôle économique et social de grande importance dans notre pays surtout dans les régions de l’intérieur et les zones défavorisées.

5- L’ALECA ? tout le monde en parle et les avis divergent ?
Réponse : Je saisis cette occasion pour rappeler une réalité fondamentale : les relations entre la Tunisie et l’UE dans tous les domaines et non seulement en matière économique sont d’ordre hautement stratégique. Nos intérêts sont inter- liés et continueront à l’être. L’ouverture des deux parties sur d’autres partenaires est nécessaire et offre réellement de nouvelles opportunités pour consolider nos rapports Tunisie – Union Européenne.

A mon avis Il faut voir dans les accords ALECA un nouveau cadre et une évolution pour développer davantage notre coopération et notre partenariat.
Evidemment nous ne pouvons accepter des conditions qui ne garantissent pas les intérêts de nos opérateurs, la situation et l’avenir de nos différents secteurs dans tous les domaines de l’agriculture, de l’industrie, du commerce et des services.

Le fait que des secteurs de part et d’autre expriment leurs craintes et leurs positions est tout à fait normal et positif.
Ce n’est que par le dialogue et les négociations qu’on arriverait à définir un cadre adéquat et acceptable pour les deux parties.

6- Et pour la coopération CONECT – CTNCI ?
Nous suivons de très prés les activités de la CTNCI qui se caractérise par son dynamisme, l’esprit d’initiative et la pertinence de ses actions à l’image de son Secrétaire Général notre ami M Mongi Goaied.
Notre coopération concerne aussi bien les échanges d’informations que la participation mutuelle aux évènements organisés par chacune de nos institutions.
La CONECT, membre de la CNTCI, accorde une importance particulière à cette collaboration surtout que l’adhésion à notre centrale patronale est ouverte aux entreprises étrangères.
Deux des membres de notre Bureau Exécutif sont d’ailleurs des chefs d’entreprises étrangères.
A ce titre nous veillerons à développer davantage notre partenariat CONECT – CNTCI afin de promouvoir la coopération entre les entreprises tunisiennes et leurs homologues néerlandaises et d’impliquer de manière directe et dynamique ces dernières dans les actions de la CONECT concernant notamment le développement des IDE en Tunisie.

 

 Mr Tarek Chérif
Membre d’Honneur de notre Chambre